Coupures de connexion Internet, problèmes de raccordement, anarchie dans les armoires de rue… Si l’Essonne est l’un des départements les plus fibrés de France, ses réseaux de fibre optique sont ceux qui recensent le taux de pannes parmi les plus élevés de France.
“Nous avons été raccordés à la fibre au bout de quatre mois de péripéties”, confie David Thomas, précisant que les techniciens ont eu des difficultés lors du raccordement de son domicile. “Trois mois après, les premières coupures s’enchaînent, certaines d’une semaine, d’autres jusqu’à plusieurs mois”.
“Trois mois après, les premières coupures s’enchaînent, certaines d’une semaine, d’autres jusqu’à plusieurs mois”
David ThomasHabitant d’Épinay-sur-Orge
Dès lors, la famille de cet habitant d’Épinay-sur-Orge, dans l’Essonne, vit au rythme de pannes intempestives. “C’est surtout ma femme qui télétravaille. […] Nous n’avons plus de fibre depuis fin mai. La box 4G dépanne, mais il y a des interruptions récurrentes”, s’agace-t-il, se sentant “abandonné”. Depuis ces coupures, cet éducateur sportif de 45 ans s’est longuement renseigné sur le problème, directement auprès des techniciens lorsqu’ils interviennent sur les points de mutualisation (PM) – une armoire de rue où plusieurs foyers sont raccordés à la fibre optique. C’est sur ces équipements que les sous-traitants interviennent.
“Je ne compte plus les pannes de cette année”. Philippe Herscu, quant à lui, souhaitait aller plus loin. Ce retraité résident de Linas, dans l’Essonne, préparait ces derniers mois une manifestation devant le siège d’Altitude Infrastructure, l’entreprise propriétaire du réseau. Il était déjà à l’origine d’une pétition lancée il y a deux ans, appelant à “une remise à plat de l’ensemble [des installations du réseau, ndlr] et une installation correcte foyer par foyer”.
“Je ne compte plus les pannes de cette année”
Philippe HerscuHabitant de Linas
Philippe et David n’ont pas seulement ces pannes en commun. Ils sont abonnés sur un même réseau de fibre optique : Tutor Europ’Essonne. Si le nom est important, c’est que les réseaux Tutor de l’Essonne figurent en tête des réseaux de fibre optique cumulant le plus de pannes en France selon le dernier observatoire de la qualité des réseaux publié en juillet dernier par l’Arcep, le gendarme des télécoms.
Or, aujourd’hui, Tutor – l’opérateur d’infrastructure (OI) – a eu le temps d’être absorbé par moult propriétaires avant que l’un d’eux ne puisse rénover une seule fois le réseau. Tutor, Covage, XpFibre, puis enfin Altitude Infrastructure : un enchaînement d’interlocuteurs qui changent sans cesse, de quoi embrouiller des usagers déjà exaspérés.
La grande histoire entre le Nord-Essonne et la fibre optique démarre en 2011. Seules quelques grandes villes de l’Essonne jouissent des premiers mètres de fibre. Les élus de l’ancienne communauté d’agglomération Europ’Essonne – Longjumeau, Massy ou encore Épinay-sur-Orge – voient alors une opportunité pour leurs habitants et les entreprises qui s’installent sur son territoire, à l’est de l’opération d’intérêt national Paris-Saclay. Mais les opérateurs commerciaux d’envergure nationale – Orange, Free, SFR et Bouygues – n’y voient pas la même rentabilité qu’ils peuvent espérer dans des zones plus denses.
“Je disais à mes administrés, ‘Orange ne viendra jamais chez vous’. C’était tout simplement pour des raisons économiques »
Guy MalherbeAncien VP de la CA Europ’Essonne et député-maire d’Épinay-sur-Orge
“Je disais à mes administrés, ‘Orange ne viendra jamais chez vous’, raconte Guy Malherbe. C’était tout simplement pour des raisons économiques”. C’est ainsi que l’ancien vice-président de la communauté d’agglomération Europ’Essonne et député-maire d’Épinay-sur-Orge de 1995 à 2017, justifie la décision des élus locaux il y a dix ans.
“Dans une ville pavillonnaire, il faut tirer plusieurs kilomètres de câbles pour finalement n’abonner que quelques personnes. L’investissement était colossal par rapport à la rentabilité que les opérateurs espéraient”. Il soutient que leur objectif était de proposer “un service public” pour que “tous les citoyens puissent se raccorder”.
Quelques mois plus tard, alors que Tutor pose ses câbles, le plan France Très Haut Débit (PFTHD) fait son apparition en 2013. Étant un opérateur d’infrastructure, il doit louer son réseau à des opérateurs commerciaux. Sauf que le réseau installé n’est pas du goût des opérateurs nationaux, qui refusent – un temps – d’y proposer leurs offres.
Pendant près de cinq ans, le réseau Tutor Europ’Essonne reste dimensionné à un petit nombre d’abonnés, cantonnés à de petits opérateurs. Mais cela fonctionne. “Ce n’était pas un souci à l’époque, confie Guy Malherbe. Il n’y avait pas de plaintes lorsqu’il n’y avait que les petits opérateurs”.
“Les plaintes ont commencé avec l’installation des opérateurs nationaux”
Guy MalherbeAncien VP de la CA Europ’Essonne et député-maire d’Épinay-sur-Orge
“Les plaintes ont commencé avec l’installation des opérateurs nationaux”, confirme l’ancien édile. En 2019, Tutor souhaite rentabiliser son réseau et convainc les opérateurs nationaux de s’y installer. Après des travaux de mise aux normes, les “grands opérateurs” arrivent, avec eux, leurs nombreux abonnés à l’ADSL qui n’attendaient qu’eux pour basculer.
Ces opérateurs sont alors chargés de raccorder leurs clients à l’infrastructure existante en y faisant intervenir une chaîne de prestataires. C’est à cette étape qu’intervient un autre problème : des prestataires peu formés et payés à la connexion.
“Nous avions eu le tort d’être trop précurseurs (…) Maintenant, c’est un problème »
Guy MalherbeAncien VP de la CA Europ’Essonne et député-maire d’Épinay-sur-Orge
“Avant, ce n’était pas une préoccupation. Alors que maintenant, c’est un problème”, déplore l’ancien maire. Aujourd’hui, les “vieux” réseaux Tutor du département, repris en 2021 par Altitude Infrastructure, affichent les taux de pannes et d’échecs au raccordement les plus élevés de France.
“Nous avions eu le tort d’être trop précurseurs”, conclut-il, reconnaissant un réseau est “ancien”. “Nous l’aurions installé avec la technologie de 2023, qui n’a sûrement rien à voir avec celle de 2011, cela aurait été performant en termes de fiabilité et de qualité. C’est certain.”
“Nous savions qu’il fallait rénover ces réseaux, assume Ilham Djehaïch-Mezouar, directrice générale d’Altitude Infrastructure. Ce sont des réseaux historiques déployés avant 2013, soit avant que les règles d’ingénierie soient déterminées par le régulateur et la filière.”
“Nous avons fait un choix audacieux de reprendre ces réseaux historiques »
Ilham Djehaïch-MezouarDirectrice générale d’Altitude Infrastructure
Le 3e opérateur d’infrastructure en France doit ainsi rénover un réseau qui a supporté un afflux d’abonnés et un manque d’investissement dû aux multiples changements de main et la crise sanitaire. “Nous avons fait un choix audacieux de reprendre ces réseaux historiques, mais important pour l’ensemble des foyers des collectivités locales qui ont été précurseurs.”
Or, l’Essonne est un des premiers départements à avoir déployé la fibre optique en France, et ainsi l’un des plus proches de l’objectif de 100% des foyers raccordables à la fibre d’ici 2025 fixé par le plan France Très Haut Débit (PFTHD) de 2013. En 2023, l’Essonne compte 94,72% de prises éligibles à la fibre optique, soit 13 points au-dessus de la moyenne nationale. Le département a initié en 2019 – via Essonne Numérique – le déploiement de la fibre optique dans le sud du territoire, peu impacté par les pannes. Toutefois, il ne correspond qu’à 18% des prises éligibles essonniennes.
Si Altitude Infrastructure a annoncé début juillet un plan de rénovation des anciens réseaux Tutor de près de 21 millions d’euros, Ilham Djehaïch-Mezouar appelle les opérateurs commerciaux qui interviennent sur son réseau essonnien, “pour ceux qui ne l’ont pas fait”, à signer les nouveaux contrats de sous-traitance (STOC). “Cela nous permettra plus de contrôles des sous-traitants des opérateurs commerciaux […] et limiter les rangs de sous-traitance”.
“Le crime originel, c’est le mode de sous-traitance aux opérateurs commerciaux (STOC).” Vincent Gallet ne mâche pas ses mots. Avant l’arrivée des opérateurs commerciaux nationaux, l’opérateur d’infrastructure était le seul à assurer les raccordements jusqu’au client, et ainsi le “seul responsable”, détaille le 2e adjoint au maire d’Épinay-sur-Orge chargé de la politique numérique. Lorsqu’il y avait une panne, “c’était forcément Tutor le responsable”.
Depuis l’arrivée des opérateurs commerciaux d’envergure nationale sur les réseaux Tutor, l’opérateur d’infrastructure qui est chargé du déploiement du réseau, sous-traite la dernière partie du raccordement à un opérateur commercial, qui celui-ci sous-traite également à une chaîne de prestataires. C’est le mode « STOC« .
Dans une synthèse d’un rapport du Sénat publié en mai dernier, la commission de l’aménagement du territoire met en lumière une remontée de “nombreux dysfonctionnements” depuis 2018 avec le mode STOC. La réalisation des raccordements à la fibre implique des “malfaçons”, des “débranchements injustifiés” ou des “intervenants mal outillés”.
Selon les sénateurs, ces contrats de sous-traitance aux opérateurs commerciaux (STOC) ont permis “un déploiement rapide de la fibre optique” en France, mais regrettent qu’ils soient “source de nombreux désordres”.
« Là où on devrait envoyer des artistes, on envoie des apprentis bouchers »
Vincent GalletAdjoint au maire d’Épinay-sur-Orge
“Là où on devrait envoyer des artistes, on envoie des apprentis bouchers”, s’agace Vincent Gallet. “Il y a les accidents [lors du raccordement, ndlr] et la malhonnêteté. Les sous-traitants savent qu’ils ne sont jamais pris”, précise-t-il. Ses administrés s’adressent régulièrement à lui, désespérés. Il les appelle à être patients et à persévérer avec leur fournisseur. “Seul votre opérateur commercial peut régler le problème.”
Pour cet élu, il y a également “peu d’obligations commerciales” pour les opérateurs, insistant qu’il devrait y avoir des “pénalités” imposées par le régulateur à partir d’une semaine de coupure. “Là, je peux vous assurer qu’ils agiront.” Or, ces pénalités sont redoutées par les opérateurs. Orange avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour contester le pouvoir de sanction du régulateur des télécoms, une demande rejetée le 21 avril dernier par le Conseil d’État.
“Si je vois un technicien devant l’armoire de rue, j’y vais avec mon voisin pour lui dire de ne pas couper la fibre des autres.” Philippe Herscu est constamment sur ses gardes. “On finit même par prendre en photo la plaque d’immatriculation.” Et parfois, la situation dégénère. À Nozay, dans l’Essonne, le maire (SE) Didier Perrier avait été agressé par un sous-traitant en mars dernier. Dans cette commune, chaque technicien doit se signaler en mairie pour éviter les débranchements sauvages, ce qu’un d’entre eux n’avait pas respecté.
« On finit même par prendre en photo la plaque d’immatriculation »
Philippe HerscuHabitant de Linas
“Toutes les coupures suivaient l’intervention d’un technicien dans les armoires », confie quant à lui David Thomas, vérifiant lui aussi régulièrement l’armoire de rue à laquelle il est raccordé. « À un tel niveau d’agacement, on a ce réflexe de façon primaire”. Une vigilance exacerbée des habitants qui est devenue monnaie courante dans le Nord-Essonne.
Ce post a été sélectionné par le staff de asnozay.fr sur internet pour la seule raison qu’il se présentait dans les colonnes d’un blog consacré au thème « Association Spoortive de Nozay Essonne ». Le site asnozay.fr a pour but de publier certains articles sur la thématique Association Spoortive de Nozay Essonne développées sur le web. L’article initial a été reproduit du mieux possible. Afin d’émettre des remarques sur ce dossier autour du sujet « Association Spoortive de Nozay Essonne » veuillez contacter les coordonnées indiquées sur notre site. Consultez notre site asnozay.fr et nos réseaux sociaux afin d’être au courant des prochaines parutions.